Lundi 9 novembre 1970, vers 19h00. « J'ai mal, là, dans le dos », murmure le général Charles de Gaulle avant de s'effondrer dans sa propriété de Colombey-les-Deux-Eglises (Haute-Marne), terrassé par une rupture d'anévrisme. Il est mort. À quelques jours de ses 80 ans.
Avec son épouse Yvonne, l'homme du 18 juin vit retiré à La Boisserie depuis qu'il a démissionné, 18 mois plus tôt, de la présidence de la République, au lendemain de l'échec du référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat, après 11 années passées à l'Elysée. Journée ordinaire et pluvieuse d'automne dans la résidence acquise en 1934 par le couple. Le chef de la France libre travaille à ses « Mémoires d'espoir », déjeune avec sa femme, se promène, entre deux averses, dans le jardin, écrit à quelques « Compagnons » et à son fils Philippe.
Il vient de gagner la bibliothèque où un feu de bois se consume dans la cheminée. Il s'assoit devant la table de bridge, où chaque soir avant le journal télévisé et le dîner, il s'adonne à ce qu'il appelle sa « discipline d'oisiveté » : une réussite. Charles de Gaulle s'affaisse dans son fauteuil, la tête dans une main, sous les yeux d'Yvonne, en train d'écrire, installée à son secrétaire. Il a déjà perdu connaissance. Aussitôt appelés par son épouse, le père Jaugey, curé de Colombey, et le docteur Lacheny arrivent ensemble. Il est trop tard. Rupture d'anévrisme abdominal, diagnostique le médecin. Le fondateur de la Ve République expire alors que le prêtre lui administre les derniers sacrements.
Difficilement concevable 50 ans plus tard à l'heure de Twitter et des réseaux sociaux, la mort du héros de la Seconde Guerre mondiale est tenue secrète toute la nuit. Seuls ses enfants sont prévenus. Son successeur, le président Georges Pompidou, n'est lui-même averti qu'à 7h20, soit 12 heures après le décès. Aucun communiqué, aucune annonce officielle. C'est, à 9h41, un flash de l'AFP - « de Gaulle décéda »- qui rend publique la mort du général.
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