Alors que le torchon brûle déjà entre Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan, le président turc a vivement critiqué ce samedi l'attitude d'Emmanuel Macron envers les musulmans en France. Dans son viseur notamment, les différentes mesures gouvernementales contre le « séparatisme islamiste ». « Tout ce qu'on peut dire d'un chef d'Etat qui traite des millions de membres de communautés religieuses différentes de cette manière, c'est : Allez d'abord faire des examens de santé mentale », a lancé Erdogan, dans un discours télévisé, à l'occasion du 7e Congrès provincial de l'AKP, le parti présidentiel.
Des propos « inacceptables », a réagi l'Elysée en fin de journée. « L'outrance et la grossièreté ne sont pas une méthode », a commenté l'Elysée auprès de l'AFP, en annonçant le rappel pour consultations de l'ambassadeur de France à Ankara. L'acte, dit l'entourage d'Emmanuel Macron, se veut « un signal très fort ». Le précédent rappel à Paris d'un ambassadeur de France "en consultation", selon l'expression consacrée, remonte à février 2019, pour protester contre une rencontre entre Luigi di Maio, alors vice-premier ministre italien, et des Gilets jaunes.
« Nous exigeons d'Erdogan qu'il change le cours de sa politique car elle est dangereuse à tous points de vue. Nous n'entrons pas dans des polémiques inutiles et n'acceptons pas les insultes », poursuit la présidence française. Ce n'est pas la première fois que le président turc s'en prend à son homologue français sur ce registre. Il y a pratiquement un an jour pour jour, Erdogan avait déjà intimé à Emmanuel Macron de faire « examiner » sa « propre mort cérébrale » , dans le cadre d'une passe d'armes autour de l'Otan.
Sur la scène internationale, de nombreux dossiers opposent actuellement Ankara et Paris : des tensions en Méditerranée au conflit en Libye, en passant par les affrontements au Karabakh… Mais le président turc n'est pas non plus avare de critiques sur la politique intérieure française. Il y a deux semaines, Erdogan avait dénoncé comme une provocation les déclarations du président français sur le « séparatisme islamiste » et la nécessité de « structurer l'islam » en France. Il visait en particulier le projet de loi sur la lutte contre « les séparatismes » en France, qui sera présenté début décembre. Il a pour but, selon l'exécutif de renforcer la laïcité et de consolider les principes républicains en France. Il comporte plusieurs points susceptibles de provoquer des tensions avec la Turquie, comme le contrôle renforcé des financements des mosquées ou l'interdiction de la formation des imams à l'étranger.
La dissolution du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) souhaitée par le gouvernement après la mort de Samuel Paty, un professeur d'histoire-géographie de 47 ans décapité devant son collèg e de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), n'est également probablement pas du goût du président turc. Le collectif est régulièrement accusé de porter un islam politique proche de celui des Frères musulmans (ce qui n'a jamais été prouvé de façon concrète) dont Erdogan est lui-même très proche.
|