Sans même être élu, il est devenu une figure qui électrise la classe politique à intervalles irréguliers. Comme l'a encore montré l'été 2023, Médine, rappeur de 40 ans, attire et fascine à gauche, autant qu'il repousse et irrite le reste de l'échiquier. Le Havrais sera l'une des têtes d'affiche culturelles des rentrées politiques d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et de La France insoumise (LFI), jeudi 24 et samedi 26 août. Des invitations que ne digèrent pas la majorité, la droite et l'extrême droite, et qui ont même créé des remous chez les écologistes, alors que l'artiste a récemment été accusé d'antisémitisme.
Pour comprendre pourquoi Médine est invité à ces deux événements phares de la Nupes, il faut d'abord se pencher sur ses textes. Nombre d'entre eux véhiculent des messages que beaucoup portent à gauche, contre la guerre, la stigmatisation des musulmans, les violences policières, l'extrême droite ou le chef de l'Etat. "J'veux pas me payer le costard de Macron, j'veux lui tailler", lance-t-il dans Raison sociale (2017). "Politiquement j'suis Médiniste de gauche, entre Ademo, N.O.S [les rappeurs du duo PNL] et Pierre Desproges", revendique-t-il dans Médine France (2022).
Avec Médine, la gauche s'est trouvée une incarnation culturelle de ce qu'elle défend au quotidien. "On a beaucoup de combats communs", insiste auprès de l'AFP Marine Tondelier, cheffe de file des écologistes, pour justifier l'invitation du rappeur. "C'est un artiste qui s'est mouillé contre l'extrême droite, sur la bataille contre la retraite à 64 ans", prolonge Thomas Portes, député LFI.
La popularité du rappeur présente un autre attrait pour les raouts d'EELV, le 24 août au Havre (Seine-Maritime), et de LFI, le 26 à Valence (Drôme). "Il a une surface d'influence et peut passer des messages", défend Thomas Portes au sujet de l'artiste au million et demi d'abonnés sur les réseaux sociaux. "C'est important d'avoir des gens qui sont des marqueurs politiques et idéologiques. On a besoin d'avoir des digues culturelles, Médine en fait partie."
C'est justement cette "digue culturelle" que de nombreux responsables politiques veulent faire tomber. La première polémique impliquant Médine remonte à 2015. Les paroles de sa chanson Don't Laïk, sortie une semaine avant les attentats de Charlie Hebdo, provoquent l'indignation de la droite. "'Crucifions les laïcards comme à Golgotha', c'est un oxymore", se défend le rappeur, qui précise avoir écrit ce morceau pour dénoncer le "laïcisme", une "dérive" de la laïcité "qui se drape dans la notion d'égalité en stigmatisant le religieux".
Un tweet du rappeur déclenche une nouvelle salve de critiques, jeudi 10 août. Il y qualifie l'essayiste Rachel Khan, juive et petite-fille de déporté, de "resKHANpée", après que celle-ci l'a traité de "déchet". Médine décrit aussi l'écrivaine, qui a participé à la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron en 2021 et a partagé un déjeuner avec Marine Le Pen, comme une "personne (...) dérivant chez les social-traîtres et bouffant au sens propre à la table de l'extrême droite". Ses détracteurs dénoncent des propos antisémites et rappellent que le rappeur avait mimé la "quenelle" en 2014. Un geste antisémite popularisé par l'humoriste Dieudonné, et regretté par le Médine dans les pages de Libération.
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