Elle est mise au ban pour quatre mois. Le bureau du groupe de La France insoumise (LFI) à l’Assemblée nationale a annoncé dans la nuit de lundi à mardi 7 novembre la sanction qui s’appliquera à la députée de la Seine-Saint-Denis Raquel Garrido, punie pour "accumulation d’agissements et de propos répétés qui nuisent au bon fonctionnement collectif". Durant quatre mois, elle ne pourra plus être oratrice du groupe parlementaire, c’est-à-dire poser des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale ou prendre la parole lors des motions de censure. Celle qui s’élève depuis plusieurs mois comme une voix dissidente face à la figure tutélaire de Jean-Luc Mélenchon se dit "humiliée" et "en colère". Il est reproché à Raquel Garrido non pas de "défendre ses idées" mais d’avoir "diffusé de fausses informations dans la presse à propos du groupe ou de ses membres". A cela s’ajoutent "la mise en cause et le dénigrement ad hominem de plusieurs membres du groupe" ainsi que "la prise à partie de salariés du groupe parlementaire", précise La France insoumise dans un communiqué publié dans la nuit.
Si la polémique prend de l’ampleur ces dernières semaines, elle semble remonter à des désaccords tus mais plus anciens entre l’ex-président du groupe LFI et la députée de la Seine-Saint-Denis. Mi-octobre, Raquel Garrido avait reproché à Jean-Luc Mélenchon, dans les pages du Figaro puis sur Franceinfo, le 22 octobre, de ne "faire que nuire" au mouvement, notamment "depuis l’affaire Adrien Quatennens", élu insoumis du Nord visé en octobre 2022 par une main courante pour violences conjugales et qui avait admis avoir giflé son épouse. Il avait alors reçu le soutien public de Jean-Luc Mélenchon sur Twitter, saluant "sa dignité" et "son courage" sans condamner clairement ces violences. Une attitude qui avait déçu une partie des insoumis, y compris parmi les plus fidèles.
"Depuis un an, il y a une forte aspiration au sein de La France insoumise à ce que nous changions notre mode de fonctionnement", avait commenté Raquel Garrido. Elle accusait alors le leader du parti d’avoir, "de loin, cherché à mettre des coins entre [les insoumis] et les organisations syndicales et entre [les insoumis] et les autres partis de la Nupes". "Moi, je suis tout aussi insoumise que Jean-Luc Mélenchon, pourquoi est-ce que c’est moi qui dois faire un pas de côté ? Jean-Luc Mélenchon ne fait même pas partie du groupe parlementaire. Jean-Luc Mélenchon aura toujours une influence, mais je lui demande de se poser la question de savoir comment il utilise cette influence", avait-elle lancé. Déclaration aussitôt critiquée par sa collègue LFI Nadège Abomangoli : "C’est Raquel Garrido qui nuit depuis des mois parce qu’elle n’est pas à la coordination du mouvement. Ridicule et dangereuse", avait taclé la députée sur les réseaux sociaux.
Des dysfonctionnements que Raquel Garrido continue de dénoncer après sa mise à l’écart. "Je suis mise au ban. Pourquoi ? Parce que j’ai tenu bon sur le principe de non-cumul des mandats, parce que j’ai osé dénoncer la communication masculiniste d’Adrien Quatennens orchestrée par Sophia Chikirou et soutenue par Jean-Luc Mélenchon, parce que j’ai défendu l’unité de la Nupes, du mouvement syndical et de LFI pendant le grand mouvement des retraites, alors que la direction LFI ne faisait que cliver, cliver et cliver encore", énumère-t-elle, le 7 novembre, en réaction à sa sanction.
L’élue a finalement été convoquée, lundi 6 novembre, durant une heure trente, au siège du parti. "Pendant l’audition, de bonne foi, j’ai défendu mes positions, assure-t-elle. J’ai réfuté pied à pied les accusations infondées et mensongères." "Verdict de la CPI (la Cour pénale insoumise) : quatre mois", a-t-elle réagi sur X, mardi matin, à l’annonce de la sanction, faisant le lien avec la punition de quatre mois également infligée à Adrien Quatennens, qui a, lui, selon elle, "eu le droit à de longues délibérations au sein du groupe". Pour l’insoumise, "le bureau du groupe n’avait pas le droit de prendre de telles sanctions". Elle dénonce une "instance de discipline autoproclamée pour tenter – quelle immaturité – de régler des désaccords politiques par des mesures de coercition. Je suis humiliée, je suis en colère, j’ai honte de voir cette évolution du projet politique auquel j’ai consacré trente ans de ma vie", conclut-elle.
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